Les archives typographiques de Jean Alessandrini à la BNU

La Bnu de Strasbourg a acquis en 2022 un fonds exceptionnel: les archives typographiques d’un homme aux multiples talents, Jean Alessandrini. L’Espace Européen Gutenberg a accompagné ce projet.

«Les caractères de Jean Alessandrini dorment à présent aux côtés des bois gravés de Gustave Doré»

Citation de Gwénaël Citérin, responsable du domaine Art et Iconographie à la Bnu de Strasbourg

L’Espace Européen Gutenberg est heureux d’avoir accompagné l’acquisition en 2022 par la BNU Strasbourg d’un fonds exceptionnel : les archives typographiques d’un homme aux multiples talents, Jean Alessandrini.

Cette acquisition qui contribue à la sauvegarde du patrimoine graphique et typographique de la seconde moitié du XXe siècle est également un reflet fidèle de la spécificité du travail de Jean Alessandrini qui a réalisé et réalise encore aujourd’hui manuellement chacune de ses créations avec les instruments propres à ce métier depuis son origine (crayons de papier, encre, gouache noire, compas, balustre, tire-lignes, ciseaux…)

Portrait

Qui est Jean Alessandrini ?

Jean Alessandrini est dessinateur de caractères typographiques, illustrateur et écrivain, auteur de romans policiers et de littérature jeunesse.

Vous avez certainement déjà eu entre les mains un de ses ouvrages.

Jean Alessandrini, portrait © Florian Coulon

Originaire de Marseille, Jean Alessandrini a étudié de 1959 à 1961 au Collège technique d’Arts graphiques de la rue Corvisart à Paris après un cycle d’études secondaires au Lycée Condorcet. Sa carrière professionnelle débute aux côtés de Raymond Gid, affichiste et typographe, puis se poursuit par une activité de maquettiste au département mise en pages de Paris-Match. Durant son service militaire, il met son savoir-faire à la disposition de l’imprimerie de la Marine Nationale.

Libéré de ses obligations militaires, il commence à dessiner des caractères typographiques, dont les deux premiers seront publiés en 1962 dans l’ouvrage suisse de référence, Lettera n°3.

Au début des années 70 il publiera une quinzaine de caractères typographiques à l’Atelier de photocomposition d’Albert Hollenstein (certains d’entre eux se retrouveront chez Mecanorma Letterpress, puis, dans les années 80, chez TypoGabor).

Enveloppe commerciale, Hollenstein Phototypo (1972), Fonds Jean Alessandrini – Bnu

Comme illustrateur, il travaille aussi pour de nombreux périodiques : le magazine Lui, dont il dessine le logo, Salut Les Copains, Psychologie, Pétrole Progrès, IBM Informatique, le Courrier de l’Unesco, Elle, dont il illustre divers récits, nouvelles et rubriques.

René Goscinny, directeur de publication du journal Pilote, auquel il collabore régulièrement en tant que rédacteur, lui demande entre-temps d’en renouveler l’identité graphique (logo compris.)

Illustrations pour le magazine Elle, années 70, Jean Alessandrini, Musée Tomi Ungerer
Pilote, logo et refonte du visuel (1972), Jean Alessandrini

À la même époque, Massin lui commande les illustrations de plusieurs couvertures pour les collections Folio et Idées chez Gallimard. Parmi celles-ci, Le diable et le bon Dieu (Jean-Paul Sartre), Le Chevalier des Touches (Barbey d’Aurevilly), Les têtes de Stéphanie (Romain Gary) et 1984 (George Orwell).

Entre-temps, il repense entièrement le visuel des livres de poche des éditions Marabout (collections policière, fantastique, scientifique), ce qui lui permet d’utiliser ses propres caractères pour le titrage des couvertures.

Couvertures pour les collections Folio et Idées (Gallimard), Jean Alessandrini, Musée Tomi Ungere
Utilisation des caractères Vampire et Akenaton, pour les éditions Marabout (collections Fantastique, Classique et Policière), 1979, Jean Alessandrini, Fonds Jean Alessandrini – Bnu

En 1981, il crée de toutes pièces la revue expérimentale Typomondo dont il est le maître d’œuvre intégral. Designer, illustrateur, typographe, rédacteur, il y explore diverses pistes

de la création littéraire et graphique, et, dans un même élan, crée les mots-images, audacieuse hybridation entre typographie et illustration.

Magazine Typomondo (1981, 1982, 1983, 1984), Jean Alessandrini. Cinquième numéro (1985) inédit.
Eclipso (1982), Mirago (1970), Jean Alessandrini, Fonds Jean Alessandrini – Bnu
Arlequin alphabétique, mot-image, Jean Alessandrini, Fonds Jean Alessandrini – Bnu

Dans les années 90, il publie des romans policiers pour la jeunesse aux éditions Rageot (les romans policiers pour adultes viendront plus tard, aux éditions Phébus) et travaille à la rédaction et l’illustration de livres pour enfants

(École des Loisirs, J’aime Lire, Hatier, Nathan.) Il remporte le prix Goncourt pour la Jeunesse avec Une Histoire à Spirales aux éditions Grasset-Jeunesse en 1994.

Le Zapoyoko, J’aime Lire, Bayard Presse (1983), texte et illustrations Jean Alessandrini

Collectionneur de documents typographiques prélevés au hasard des imprimés, il va constater au moment de les répertorier les limites des classifications existantes (Thibaudeau, 1921 et Vox, 1954). De cette réflexion, va naître sa propre classification, le Codex 1980 (publié une première fois dans le trimestriel Communication & Langages), répertoire notoirement plus pertinent et plus complet que ses dévanciers. Au moment de sa parution, cette classification va susciter un débat houleux dans le monde de la typographie. En 2021, suite à la proposition de David Rault, Jean Alessandrini la publiera sous la forme d’un « revival » aux éditions Atelier Perrousseaux.

Codex 1980, (Atelier Perrousseaux), 2022, Jean Alessandrini

Depuis ses années d’apprentissage, Jean Alessandrini aura dessiné une quarantaine de caractères typographiques.

Désireux de les actualiser, de les valoriser et de les diffuser, il collabore avec Olivier Nineuil, dessinateur de caractères, en vue de leur numérisation.

Caractère Legitur, Jean Alessandrini (1981), numérisation Olivier Nineuil
Caractère Sherlock Holmes, esquisse préparatoire (crayon sur papier). Fonds Jean Alessandrini – Bnu
Sherlock Holmes, mise en couleur, aquarelle sur photocopie (2014), Jean Alessandrini. Fonds Jean Alessandrini – Bnu

L’engagement de l’association

Ces trois dernières années, l’Association Espace Européen Gutenberg sous l’impulsion de Sarah Lang a accompagné Jean Alessandrini dans le cadre de la sauvegarde et la transmission de son œuvre graphique et typographique.

En 2022, la Bnu de Strasbourg a fait l’acquisition de ce fonds comprenant non seulement les archives complètes de l’artiste rassemblant son travail autour de la lettre et de l’écriture, graphique et littéraire (recherches, esquisses et croquis de caractères, maquettes, calques, planches d’originaux finalisés, lettres découpées, épreuves justificatives, collection de spécimens et objets graphiques réunis au fil du temps), mais aussi, les manuscrits de ses divers romans et nouvelles, les concepts aboutis de ses jeux de société ainsi que les gouaches originales et dessins préparatoires de quelques 191 drapeaux nationaux réunis dans son livre Drapeaux, les couleurs du monde (éditions Hatier).

Catherine Soulé-Sandic et Gwénaël Citérin de la Bnu ont œuvré à l’acquisition du fonds qui a été rendu possible grâce à une subvention du FRRAB Grand Est.

Pour information, le Musée Tomi Ungerer a fait l’acquisition en 2020 de cent-six illustrations presse et édition de Jean Alessandrini dont certaines furent exposées l’année suivante. La Bnu réfléchit actuellement à une exposition qui mettrait ce fonds en lumière dans les meilleures conditions. Nous vous tiendrons au courant de l’avancement de ce projet. 

Œuvrant activement pour la sauvegarde et la transmission des divers savoir-faire dans les domaines de l’imprimerie et des arts graphiques, l’Espace Européen Gutenberg travaille à la réalisation de portraits filmés, dont le premier concerne Jean Alessandrini. 

Vous pourrez le découvrir prochainement.